Vers l’infini et au-delà !

Drapeau rouge : Cet article demande quelques connaissances mathématiques intermédiaires ainsi qu’une bonne capacité d’abstraction.

 

0, puis 1, puis 2, puis 3… Et ainsi de suite, compter n’est plus un secret pour vous depuis bien longtemps. Si l’on ne vous donne aucune limite, ce décompte peut alors durer puisque les nombres ne s’arrêtent jamais : pour un nombre donné, on peut toujours en trouver un plus grand, il suffit de lui ajouter un. C’est ce qu’explique Eljj a son neveu dans sa dernière vidéo, en concluant sa démonstration par :

Il n’existe pas de nombre plus grand que tous les autres

… Et si justement, il en existait un ?

Plus grand que tout

En mathématiques, tout est permis – ou presque. Il suffit d’un peu de magie et de fantaisie, et parfois d’un brin d’esprit tordu pour que naissent de nouvelles théories.

Prenons les entiers naturels, ceux que nous présentons plus haut : ceux-ci sont ordonnés linéairement et l’on peut donner le premier élément, le suivant, le suivant du suivant, le précédent du cinquième élément, enfin bref, nos petits entiers 0, 1, 2, 3, 4, 5… Des entiers que l’on nommera standards.

L'ensemble des entiers standards

L’ensemble des entiers standards

Lorsque l’on utilise ces nombres et seulement ceux-ci, on fait ce que l’on appelle de l’arithmétique standard, et en arithmétique standard, il n’existe pas de nombre plus grand que tous les autres.

Eh bien, faisons fi de tout cela ! De notre grand chapeau de mathématicien, sortons un nouveau « nombre » de notre chapeau, que nous nommerons I, tel que I > n pour n’importe quel entier naturel n.

Si l’on représente graphiquement l’ensemble des entiers par une droite et les entiers par des points sur cette droite, alors notre I se trouve loin, très loin devant. Infiniment loin à vrai dire.

Ce que l’on fait ici, cela s’appelle de la théorie des modèles : on regarde d’autres systèmes de nombres qui contiennent les nombres entiers que nous connaissons, ceux de l’arithmétique standard.

Revenons alors à notre nombre I : vous serez peut-être tenté de dire que I vaut l’infini, et ce n’est peut-être pas un tort. I est infiniment grand, pourtant, il est possible de trouver un nombre plus grand que I. A l’image de ce que nous faisions pour trouver de plus grands entiers, il suffit d’ajouter 1 à I. On aura bien évidemment I + 1 > I.

De même, on peut considérer le nombre I – 1. Celui-ci est plus petit que I, mais il reste plus grand que tous les entiers standards.

Il est également possible de multiplier ces nouveaux nombres entre eux : prenons par exemple le nombre L = I x I. Comme pour les entiers classiques, on pourra dire que I est la racine carrée de L – parce que bon, il faut se le dire, I est quand même franchement positif. Nous entrons peu à peu dans le monde étrange de l’arithmétique non standard. De nombreuses propriétés des entiers naturels restent vraies en ajoutant ces entiers infiniment grands, à condition de rester prudents.

Infiniment grands et récurrence

Il faut en effet rester prudent car certaines propriétés si chers à l’ensemble des entiers naturels se perd lorsque l’on passe à de l’arithmétique non standard : c’est le cas du raisonnement par récurrence.

Le principe de la démonstration par récurrence est similaire à celui des dominos. Si l’on veut montrer qu’une propriété est vraie pour tout entier naturel (standard), il suffit de montrer que :

  • cette propriété est vraie à un rang donné – souvent 0
  • Si elle est vraie au rang n, elle reste vraie au rang n + 1

Autrement dit, en faisant chuter le premier domino, les suivants sont entraînés dans sa chute.

Hélas, lorsque l’on ajoute les entiers non standards comme on les a défini plus haut, et bien tout ne se passe pas comme prévu. Par exemple :

  • 0 est un entier standard
  • Si n est un entier standard, alors n +1 est un entier standard.

La propriété « être un entier standard » satisfait donc les deux propriétés énoncées. Pourtant, nous savons, parce que nous avons construit notre modèle ainsi, qu’il existe des entiers non standards.

En fait, le fait que le mot « standard » apparaisse explicitement dans l’énoncé de cette propriété fait que le principe de récurrence ne peut s’appliquer à cette propriété. Pas de chance !

Vers l’infiniment petit

La notion d’infiniment grand est intimement lié à la notion d’infiniment petit : gardon notre nombre I mais plaçons nous cette fois dans l’ensemble des nombres réels, où les divisions sont permises. Que vaut alors le nombre 1/I ?

Celui-ci est très proche de 0, infiniment proche de 0 même. Si proche que, pour n’importe quel réel standard positif r, on a l’égalité :

0 < 1/I < r

C’est bien simple : pensez à un nombre positif. 1/I est plus petit. Voilà. Et puisque I + 1 est plus grand encore que I, on a alors 1 / (I+1) qui est encore plus petit que 1/I. Ces quantités sont infinitésimales : positives, non nulles, mais infiniment petites !

Cette notion, développée dans les années 60 par Abraham Robinson, vient en fait compléter l’intuition d’infinitésimaux de Newton et Leibniz déjà abordée dans un autre billet de blog. Elle la rend d’ailleurs rigoureuse et permet de faciliter certaines preuves complexes mettant en œuvre la dérivation notamment ! Comme quoi, cette idée farfelue ne l’était peut être pas tant.

Bon, maintenant, pour expliquer ça à un enfant de 5 ans…

Pour compléter

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2 commentaires pour Vers l’infini et au-delà !

  1. PecCitron dit :

    « Et puisque I + 1 est plus petit encore que I » Je pense que c’est le contraire 🙂

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